Les gaz à effet de serre, ça vous dit quelque chose ? On entend beaucoup parler du dioxyde de carbone (CO2), du méthane (CH4), et de plus en plus de … la vapeur d’eau (H2O). L’eau serait donc un gaz à effet de serre ? Pourrait-il être encore plus problématique que les autres gaz ? La vapeur d’eau est-elle responsable du changement climatique ? On se serait donc complètement trompés de cible ? Allez, on décode tout ça dans cet article du blog.
L'effet de serre, c'est quoi déjà ?
L’effet de serre est un phénomène tout à fait naturel, et même vital pour la vie sur Terre. Sans lui, la température moyenne à la surface de la Terre avoisinerait les -18°C, au lieu de +15°C en moyenne. Le soleil nous envoie de l’énergie, dont environ la moitié pénètre dans l’atmosphère tandis que l‘autre partie est réfléchie vers l’espace. L’énergie qui pénètre est soit absorbée dans l’atmosphère, soit dirigée vers les terres et les océans.
La Terre n’étant pas une cocotte minute, la chaleur qui est absorbée par les terres et les océans est ensuite ré-émise vers l’atmosphère, sous forme de rayonnement infrarouge (IR). Et c’est là que les gaz à effet de serre entrent en jeu (petit nom : GES). Ces gaz, qui composent l’atmosphère, ont la particularité d’être transparents au rayonnement solaire, mais opaques au rayonnement infrarouge émis par la Terre. Ils vont donc absorber une partie du rayonnement infrarouge, puis de la renvoyer dans toutes les directions, dont vers la surface de la Terre (retour à l’envoyeur !).
Ces gaz vont donc contribuer à davantage réchauffer la Terre, et c’est un phénomène tout à fait naturel.
Tous les gaz de l'atmosphère sont donc des gaz à effet de serre ?
On rappelle que les gaz à effet de serre sont des composants de l’atmosphère, et ils sont nombreux ! Chaque gaz absorbe et émet plus ou moins les rayons infrarouge. La vapeur d’eau est le seul gaz à avoir une concentration très variable dans l’atmosphère. Les autres gaz ont une concentration relativement stable et homogène, même s’il y a évidemment des fluctuations, notamment avec la pollution, et selon les régions.
La vapeur d’eau représente en moyenne 0,25% de la masse totale de l’atmosphère. Si l’on retire la vapeur d’eau de l’équation, voici la répartition des gaz présents dans l’air sec (figure ci dessous). On voit alors que l’atmosphère est composée majoritairement d’azote (N2,78%) et de dioxygène (O2,21%). En comparaison, la quantité de vapeur d’eau est relativement négligeable ! Le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4), dont on parle souvent, sont présents en encore plus faibles quantité. D’autres gaz composent l’atmosphère mais ne sont pas mentionnés, du fait de leur très faible quantité.
Tous ces gaz ont donc un impact sur l’effet de serre ? Eh bien non ! Ce sont en fait les gaz minoritaires, à molécules dissymétriques, qui sont responsables de l’effet de serre. L’effet de serre naturel compte environ pour +33°C (souvenez vous, sans lui la température serait à -18°C au lieu de +15°C en moyenne). Dans ces 33°C, la vapeur d’eau (H2O) est responsable de plus de la moitié de l’effet de serre naturel (~20°C). Suit ensuite le dioxyde de carbone (CO2), responsable de presque un quart de l’effet de serre naturel (~7°C). L’ozone (O3), l’hémioxyde d’azote (N2O), et le méthane (CH4) contribuent à environ 5°C. Enfin, les hydrocarbures halogénés contribuent à environ 0,6°C. Le tout additionné permet de passer d’une température de -18°C à +15°C, en moyenne sur la Terre.
Gaz à effet de serre et changement climatique
Les différents GES n’ont pas le même impact sur l’effet de serre. Le méthane a un pouvoir réchauffant beaucoup plus important que le CO2, environ 25 fois plus. C’est 298 fois plus pour le protoxyde d’azote, 7 400 à 12 200 fois plus pour les perfluorocarbures (PFC), 120 à 14 800 fois plus pour les hydrofluorocarbures (HFC) et 22 800 fois plus pour l’hexafluorure de soufre. Le pouvoir réchauffant de la vapeur d’eau n’est pas compté car elle ne contribue pas au réchauffement climatique à moyen ou long terme du fait de son temps de résidence.
En effet, une molécule d’eau reste environ 8 jours dans l’atmosphère. D’ailleurs, si l’on doit comparer aux autres stocks d’eau sur Terre… Une molécule d’eau reste quelques jours dans une rivière, environ 17 ans dans un lac et 2500 ans dans les océans. Une molécule de CO2 a un temps de résidence variable. Les 2/3 du CO2 émis peut rester plus de 100 ans, et entre 15 à 40% du CO2 émis jusqu’à 2100 restera plus de 1000 ans dans l’atmosphère. Une molécule de CH4 peut rester jusqu’à 12 ans. Les perfluorocarbures peuvent rester quant à eux plusieurs milliers d’années. Qu’est ce que ça veut dire concrètement ? Que la molécule de CO2 émise il y a 50 ans peut encore rester plusieurs centaines d’années dans l’atmosphère, à absorber et rediriger les rayons infrarouges. Une partie du CO2 émis au moment ou vous lisez ces lignes sera éliminé dans seulement plusieurs dizaines, voire centaines d’années. L’eau présente dans l’atmosphère actuellement est arrivée il y a maximum une dizaine de jours.
Mais finalement... la vapeur d'eau est-elle un moteur du changement climatique ?
Mais alors, pourquoi la vapeur d’eau est responsable de la moitié de l’effet de serre naturel ? Parce que c’est le gaz à effet de serre le plus présent dans l’atmosphère (0.25% en moyenne contre 0,035% pour le CO2). Chaque molécule d’eau présente va alors absorber et rediriger les rayons infrarouges dans toutes les directions, dont vers les autres GES. Mais la quantité d’eau dans l’atmosphère est en grande partie contrôlée par la température. A température constante, si l’on injecte ponctuellement plus de vapeur d’eau, elle précipitera rapidement, et sera donc éliminée au bout de quelques jours. La vapeur d’eau n’est donc pas directement liée au changement climatique.
La problématique aujourd’hui est plutôt la modification de la concentration de certains gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Notamment ceux qui ont un temps de résidence long, et un pouvoir réchauffant important.
Le rôle amplificateur de la vapeur d'eau dans le changement climatique
Certaines activités émettent naturellement du dioxyde du carbone, du méthane, ou autre. Suite à ces activités, ces gaz se retrouvent donc en concentration plus importante dans l’atmosphère. Ils vont donc augmenter l’effet de serre. C’est l’effet de serre anthropique ou additionnel. La température va alors finalement augmenter, suite au renforcement de cet effet de serre.
C’est à ce moment là que la vapeur d’eau a son importance. Avec la température qui augmente, l’atmosphère est plus chaude et elle peut donc contenir plus de vapeur d’eau. Cette vapeur d’eau accumulée en plus va amplifier cet effet de serre, et à son tour augmenter les températures. Cela s’appelle une rétroaction, et ce phénomène, qui s’auto-amplifie, est évidemment pris en compte dans les modèles de climat. Il existe d’autres rétroactions positives qui peuvent amplifier le réchauffement climatique.
L’enjeu pour enrayer le changement climatique n’est donc pas de diminuer la vapeur d’eau dans l’atmosphère, mais d’agir sur le moteur de l’effet de serre additionnel. C’est à dire diminuer la concentration des autres gaz à effet de serre, émis par les activités humaines. Cela permettra de diminuer la température, et donc d’avoir moins de vapeur d’eau dans l’atmosphère.
C’est finalement la combinaison entre la concentration du GES dans l’atmosphère, de son temps de résidence, et de son pouvoir réchauffant qui induit un certain niveau d’augmentation de la température.
D'où viennent les gaz à effet de serre et comment les diminuer ?
Dans le monde, les gaz à effet de serre proviennent en grande partie de l’utilisation ou de la production d’énergie ! On utilise de l’énergie pour les processus industriels (ce qui émet 24,2% des GES dans le monde), pour chauffer nos habitations (17,5% des GES), ou encore pour nous déplacer (16,2% des GES émis). Des gaz à effet de serre sont aussi émis quand on produit de l’énergie (7,8% des GES), lorsqu’on extrait des ressources (5,8%) ou encore en utilisant des machines pour les activités agricoles (1,7%) ! C’est ensuite l’agriculture qui émet le plus de gaz à effet de serre. Cela inclut le changement d’occupation des sols (et la déforestation), le travail du sol, le bétail, etc. Pour plus de détail sur chaque sous catégorie, vous pouvez jeter un oeil par ici (en anglais).
Ces chiffres donnent les pourcentages tous gaz à effet de serre confondus. Pour autant, certains secteurs sont liés à des gaz à effet de serre spécifiques.
La vapeur d'eau
L’eau dans l’atmosphère vient en grande partie de l’évaporation de l’eau liquide sur Terre. L’évaporation peut être naturelle (cycle de l’eau) ou anthropique. Par exemple avec le refroidissement des centrales thermiques, l’agriculture, les trainées de condensation des avions, etc. Mais ATTENTION ! En France, on estime que les activités humaines comptent pour 2% de l’évaporation (notamment à cause du refroidissement des appareils industriels). Des estimations pour le monde pointent sur moins de 1% (surtout dues à l’irrigation).
Le dioxyde de carbone
Naturellement, le dioxyde de carbone (CO2) peut augmenter suite aux éruptions volcaniques ou aux feux de forêts.
Une grande partie des activités humaines émet du CO2, et induit donc un effet de serre additionnel. C’est le cas avec les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel et charbon notamment pour l’industrie, le chauffage et les transports) et les changements d’occupation des sols (déforestation). L’agriculture apparait beaucoup moins ici, car cette activité est plutôt liée à l’émission de méthane. Le CO2 compte pour 65% dans l’effet de serre additionnel. Avant l’époque industrielle, le taux de CO2 dans l’atmosphère était de 0,028% (contre 0,042% aujourd’hui).
En France, le premier émetteur de CO2 est le transport (notamment routier), à plus de 40%, suivi par le logement (pour 20%). C’est ensuite l’électricité et la production de chaleur (environ 18%), ou encore la fabrication et la construction (environ 13%). Il y a par contre plutôt un stockage de carbone en France grâce aux reforestations.
Chiffres de 2019
Le méthane
Le méthane est naturellement lié à la fermentation (marécages, décharges, digestion des ruminants, etc.).
De façon anthropique, c’est plutôt l’agriculture intensive qui est responsable de l’augmentation de la concentration de ce gaz, avec le bétail. C’est également le cas de la production du riz. Les “émissions fugitives” représentent les fuites involontaires de gaz provenant de processus tels que le fracking, l’extraction et le transport plus traditionnels du pétrole et du gaz. Le méthane compte pour 15% de l’effet de serre anthropique.
En France, à plus de 70%, c’est l’agriculture qui est responsable des émissions de méthane, suivi par les déchets (environ 25%). Le méthane est produit dans les décharges lorsque les matières organiques se décomposent.
Chiffres 2019
Le méthane
Le méthane est naturellement lié à la fermentation (marécages, décharges, digestion des ruminants, etc.).
De façon anthropique, c’est plutôt l’agriculture intensive qui est responsable de l’augmentation de la concentration de ce gaz, avec le bétail. C’est également le cas de la production du riz. Les “émissions fugitives” représentent les fuites involontaires de gaz provenant de processus tels que le fracking, l’extraction et le transport plus traditionnels du pétrole et du gaz. Le méthane compte pour 15% de l’effet de serre anthropique.
En France, à plus de 70%, c’est l’agriculture qui est responsable des émissions de méthane, suivi par les déchets (environ 25%). Le méthane est produit dans les décharges lorsque les matières organiques se décomposent.
Chiffres 2019
Et les autres ?
Les halocarbures, qui englobent par exemple les perfluorocarbures, ont un très fort pouvoir réchauffant et un temps de résidence très long. Ils sont notamment utilisés dans les réfrigérateurs, les climatisations, les mousses et les aérosols. Des fuites de gaz peuvent alors avoir lieu lors de la fabrication de ces produits. Ces gaz ne sont pas naturels et sont présents dans l’atmosphère uniquement à cause des activités humaines. Ils sont la cause d’environ 10% de l’effet de serre additionnel.
Le protoxyde d’azote (N2O) provient naturellement des zones humides. Il est également émis par l’utilisation d’engrais azotés en agriculture, et par certains procédés chimiques. Il engendre environ 5% de l’effet de serre anthropique.
Enfin, l’ozone troposphérique (O3) provient de la combustion des énergies fossiles et est un composant des pollutions locales de l’air. Il engendre environ 10% de l’effet de serre anthropique.
Finalement, on en retient quoi ?
La vapeur d’eau est bien un gaz à effet de serre, responsable à plus de 60% de l’effet de serre naturel. Cet effet de serre nous permet de vivre sur la Terre. Néanmoins, ce gaz a un temps de résidence faible, et sa quantité dans l’atmosphère est limitée (et contrôlée par la température). Ainsi, la vapeur d’eau n’est pas la source de l’effet de serre additionnel, responsable du changement climatique. Ce sont les autres gaz à effet de serre, notamment le dioxyde de carbone et le méthane, qui sont responsables de l’augmentation de la température. Cela provient de l’augmentation de leur concentration dans l’atmosphère, suite aux activités humaines. La vapeur d’eau a par contre un rôle d’amplificateur, puisque sa concentration va augmenter dans une atmosphère plus chaude. Elle va donc amplifier l’effet de serre additionnel. Le seul moyen de stopper cette rétroaction est d’agir sur les moteurs de l’effet de serre additionnel : le dioxyde de carbone, le méthane, et les autres GES.
L’émission de vapeur d’eau par nos activités reste largement négligeable en comparaison de l’émission de vapeur d’eau par évaporation naturelle. La transformation locale de vapeur d’eau, notamment par les processus industriels et la production d’énergie, risque par contre de poser des problèmes de tension et de disponibilité de la ressource, là où elle est transformée.
Ressources
- L’effet de serre par Météo-France (ici et ici)
- Temps de résidence de l’eau ici
- Source des GES et de leurs effets ici et ici
- L’estimation de la quantité d’évaporation d’effet anthropique par le Reveilleur et les rapports du GIEC, avec beaucoup de détails complémentaires par ici
- Répartition des GES par secteur d’activité, et de nombreux détails, par Our World in Data (ici, en anglais)
- La rétroaction expliquée par François Marie Bréon : ici
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Article très intéressant et agrémenté de chiffres précis, comme je les aime bien. Merci d’avoir éclairé ma lanterne sur cette question que l’on peut se poser. L’article distingue bien l’effet de serre naturel et celui qui ne l’est pas. Que notre planète est bien faite ! On remercie bien la vapeur d’eau sinon, il ferait un peu plus froid sur Terre. Quoi qu’en ce moment, je ne serai pas contre (j’écris ce commentaire en pleine canicule 22/08/23).