Interview d'un hydrogéologue, le spécialiste des eaux souterraines
A l’approche de la Journée Mondiale de l’Eau dédiée aux eaux souterraines (le 22 mars 2022), Eau’Dyssée a interviewé M. Patrick Lachassagne, Président du Comité Français d’Hydrogéologie. Cet échange a donné lieu à une série de trois articles sur les eaux souterraines.
(1) Le métier d’hydrogéologue,
(2) Les nappes souterraines et processus hydrogéologiques,
(3) La gestion des ressources en eaux souterraines.
Vous lisez le premier article, dédié au métier d’hydrogéologue, le spécialiste des eaux souterraines !
Bonjour M. Lachassagne, merci de nous accorder du temps ! Pouvez-vous vous présenter succinctement ?
Patrick Lachassagne : Je m’appelle Patrick Lachassagne. Je suis docteur en hydrogéologie et président du Comité Français d’Hydrogéologie (CFH). Cette association regroupe les professionnels, étudiants, etc. des eaux souterraines. Je suis également Directeur d’une unité mixte de recherche qui travaille dans le domaine de l’eau, HydroSciences Montpellier.
En quoi consiste le métier d'hydrogéologue ?
De façon générale, le métier d’hydrogéologue, c’est le métier des spécialistes des eaux souterraines. Mais le type de poste est variable selon le profil de l’entreprise ou de l’organisation qui emploie l’hydrogéologue. On distingue quatre principaux types d’employeurs : les bureaux d’études, des entreprises qui ont un besoin particulier dans le domaine, les administrations et le monde académique.
Bureaux d'étude
Tout d’abord, évoquons les bureaux d’études. La principale activité des bureaux d’études vise à caractériser les eaux souterraines en tant que ressources en eau pour les usages humains : eau potable, irrigation, activités industrielles, etc. Dans ce cadre, l’hydrogéologue définit le moyen de captage des eaux souterraines, en général un forage, et ses caractéristiques. Les caractéristiques du sous-sol lui permettent de dimensionner le débit d’exploitation (le volume d’eau prélevé par unité de temps).
Il sélectionne des entreprises qui vont réaliser le forage, assure le suivi des travaux de forage puis vérifie que les résultats sont bien conformes à la prévision. Par ailleurs, le cas échéant, l’hydrogéologue doit définir des mesures de protection pour s’assurer que la nappe d’eau souterraine qui alimente ce forage ne sera pas contaminée dans le temps.
Du point de vue administratif, l’hydrogéologue est amené à demander des autorisations de prélèvements. Une autre facette du métier, moins connue, consiste à étudier les milieux peu perméables pour confiner des déchets.
Entreprises
Par ailleurs, certains hydrogéologues travaillent pour des entreprises qui recourent beaucoup aux eaux souterraines au quotidien. Elles ont donc besoin d’avoir des compétences en interne. A titre personnel, j’ai travaillé chez Danone, qui embouteille de l’eau minérale naturelle, et qui avait des besoins suffisants pour employer des hydrogéologues en interne. Les missions qui m’étaient confiées étaient liées d’une part à une meilleure connaissance et gestion de la ressource, notamment à travers des collaborations avec le monde académique, et d’autre part à la définition et à la mise en œuvre de mesures de protection destinées à garantir à long terme la qualité de l’eau minérale naturelle. J’ai effectué ces missions tout d’abord en France, puis sur le périmètre Monde. Dans ce dernier cas, c’était une mission d’expertise et de support aux hydrogéologues locaux, eux aussi employés par Danone.
Administrations et monde académique
Les services publics, les administrations, emploient également des hydrogéologues. Ceux-ci aident les services de l’État à faire appliquer la réglementation dans les domaines de l’eau ou de la protection de l’environnement. En effet, de nombreux projets peuvent faire peser un risque sur l’environnement. De nouvelles carrières, de nouvelles industries avec des installations classées, etc., peuvent ainsi transférer des contaminants ou porter des atteintes quantitatives à la ressource. Le rôle de l’expert hydrogéologue sera dans ce cas de vérifier l’adéquation à la réglementation et, le cas échéant, de formuler des recommandations au niveau des autorisations. On trouve également des hydrogéologues dans les Agences de l’Eau, pour l’application des principes pollueur-payeur et préleveur-payeur.
Enfin, le monde académique constitue le dernier volet. Il est constitué de chercheurs et d’enseignants-chercheurs. Ceux-ci font progresser la science hydrogéologique et forment les futurs hydrogéologues.
Quelle est la formation pour devenir hydrogéologue ?
La voie la plus classique passe par une licence en biologie / géosciences pour acquérir les bases de la géologie. Ensuite, au niveau Master, une spécialisation en hydrogéologie est possible. Différents Masters proposent ainsi des formations plus ou moins approfondies dans le domaine (à Montpellier, Paris, Avignon, Bordeaux, etc.). En plus de cela, certaines écoles d’ingénieurs proposent également un enseignement dans ce domaine. Citons l’Ecole nationale supérieure de géologie de Nancy, Polytech Montpellier, etc.
Une spécificité de l’hydrogéologie, c’est que de nombreux étudiants poursuivent leur formation par un Doctorat. Contrairement à d’autres domaines, ce n’est pas un handicap pour trouver ensuite un emploi dans le monde industriel, des services publics ou des bureaux d’études. Les employeurs sont habitués à recruter ce type de profils, le doctorat permettant de disposer d’une formation approfondie et d’une plus grande expérience.
Pouvez-vous nous parler du Comité Français d’Hydrogéologie que vous présidez ?
Le Comité Français d’Hydrogéologie est la branche française de l’IAH (International Association of Hydrogeologists). Le CFH comprend actuellement un peu plus de 400 membres, principalement des professionnels et quelques étudiants du domaine des eaux souterraines. Cette association regroupe de manière assez équilibrée les différents types de professionnels que j’ai cités juste avant.
Le premier volet d’action du CFH est pour nos membres. L’association permet de se connaître et de constituer un réseau, notamment pour les jeunes membres ou les personnes qui souhaitent rebondir sur le plan professionnel. Elle permet également d’échanger des connaissances techniques, comme par exemple des recommandations concernant une entreprise de forage. Par ailleurs, des visites techniques peuvent aussi être organisées suite à la réalisation d’un projet important. Cela permet de mettre en valeur le travail réalisé et le bailleur, et de partager de nouvelles connaissances. Le CFH publie également chaque année un numéro spécial de la revue Géologue, édité avec la Société Géologique de France.
Quant au second volet, il consiste à faire connaître les eaux souterraines en dehors du monde des hydrogéologues. Dans cet objectif, nous organisons, avec de nombreux partenaires, la conférence internationale « Eaux souterraines, clé des objectifs de développement durable ». Celle-ci se tiendra du 18 au 20 mai 2022 à Paris.
Merci M. Lachassagne pour cette entrevue !
Vous en savez maintenant un peu plus sur le métier d’hydrogéologue et les eaux souterraines. Vous vous intéressez à l’eau et son cycle ? Jetez un coup d’œil à la Fresque de l’Eau